💡 Le saviez-vous ?
Atlit, la forteresse inasséchable
Au printemps 1218, en pleine cinquième croisade, les ingénieurs du Temple s’installent sur l’étroite presqu’île d’Atlit pour y élever Château Pèlerin. Le rocher marin est entaillé comme dans une carrière : on y taille trois puits cylindriques, profonds d’une vingtaine de mètres, dont les parois sont gainées d’appareils de moellons et de mortier hydraulique afin de capter l’aquifère côtier sans intrusion d’eau saumâtre. Parallèlement, les bâtisseurs creusent sous la cour et dans les soubassements au moins six vastes citernes revêtues d’enduit étanche. Les terrasses, toits et coursives sont reliées à ces réservoirs par un réseau de conduits en terre cuite encore visibles, destinés à collecter chaque goutte de pluie et à la filtrer avant stockage.
L’ensemble, complété par un petit port intérieur protégé des houles, permet d’alimenter en eau douce non seulement les chevaliers, mais aussi les chevaux, les cuisines et l’infirmerie. La garnison, jusqu’à 4 000 hommes en cas de siège, peut ainsi tenir des mois, voire des années, sans ravitaillement terrestre. En 1220, puis en 1265, les armées ayyoubides et mamloukes doivent finalement lever le camp : la stratégie de « l’assoiffement » se brise sur cette ingénierie à la fois simple et visionnaire. Château Pèlerin ne tombera qu’en 1291, évacué par mer quand toute la côte franque s’est déjà effondrée, preuve qu’au Moyen Âge, la maîtrise de l’eau valait souvent mieux que la plus haute des murailles.